Conférence Bâle 12-13 avril 2019
Basel Peace Office
« Security without nuclear weapons, initiatives for disarmament »
Général d’armée aérienne (ret) Bernard Norlain
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Introduction
L’actualité nous le montre chaque jour, jamais dans le monde actuel et ses nouveaux enjeux de sécurité, l’arme nucléaire n’a eu aussi peu de pertinence stratégique,. Et pourtant, dans ce monde en constante mutation et où la rupture stratégique, le cygne noir, est l’obsession et la terreur, nous nous obstinons à baser notre sécurité sur la dissuasion nucléaire considérée comme un invariant ; alors que la stratégie rappelle constamment combien l’inédit constitue la texture de l’Histoire et surprend bien souvent les hommes qui la font.
« Prenons garde d’entrer dans l’avenir à reculons « disait Paul Valery.
1. Des armes nucléaires inutiles
Le monde n’est plus binaire, comme au temps de la guerre froide mais multiple et fondamentalement instable. Dans ce nouveau contexte où géostratégie et géopolitique sont étroitement imbriquées, les défis en matière de sécurité que doivent affronter l’Europe et le monde sont radicalement différents de ceux du monde d’hier. Ces défis s’inscrivent dans une globalité dont les grandes tendances s’appellent :
* interdépendance, caractérisée par un affaiblissement des Etats-nations et en même temps des crispations identitaires dont l’une des conséquences est la question des crises migratoires.
* multipolarité, qui voit l’émergence de nouvelles puissances et la recomposition des grands équilibres stratégiques. Ce nouveau contexte stratégique est caractérisé par sa complexité et une forte instabilité, aggravée par la disparition des régimes de contrôle des armements, notamment nucléaires. Le monde, particulièrement l’Europe, est ainsi menacé d’un nouveau cataclysme nucléaire.
* environnement, avec le dérèglement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, une démographie encore galopante. Ce qui induit des sources de tension et de conflits
* numérisation, qui crée un monde très mobile, en perpétuel changement, sans références géopolitiques et qui ouvre de nouveaux espaces géostratégiques : aujourd’hui le cyber- espace mais plus encore le cybermonde. Sans oublier le développement fulgurant de l’intelligence artificielle qui recèle l’éventuel avènement de l’inhumanité et aussi le développement des sciences du vivant.
A tous ces défis de sécurité, l’arme nucléaire ne peut apporter aucune réponse pertinente. En réalité elle ne peut apporter qu’instabilité géostratégique et augmenter de façon alarmante le risque de guerre nucléaire.
Et pourtant, les pays nucléaires se lancent actuellement dans une nouvelle course aux armements nucléaires et font, comme le proclame le biologiste et géographe américain Jared Diamond, de la guerre nucléaire le premier des risques que doit affronter le monde.
Il est temps de refonder la sécurité internationale sur de nouvelles bases que celles, illusoires, de la dissuasion nucléaire.
Comme le dit Karl Jaspers parlant du concept de la dissuasion nucléaire « Peut-on affirmer que l’idée de la guerre atomique suffit à rendre impossible son déclenchement »
2. Une sécurité sans armes nucléaires
Cependant arrêter de s’abriter derrière la garantie illusoire de sécurité que constituent les armes nucléaires et s’engager dans une dynamique de désarmement nucléaire, implique que celui-ci s’inscrive dans un projet global de sécurité et d’assurances de sécurité.
Ce projet doit se décliner en trois volets, politique, militaire et environnemental.
Un volet politique d’abord s’appuyant sur un multilatéralisme réaffirmé.
Relance du processus de contrôle des armements, renforcement du rôle de l’ONU, adhésion au Traité d’interdiction des armes nucléaires, reprise des dialogues en particulier entre l’Europe et la Russie sont quelques-unes des voies à emprunter pour atteindre la stabilité dans les relations internationales.
Un volet militaire qui doit s’appuyer sur la prise en compte des nouvelles menaces et cesser de faire des armes nucléaires le socle des politiques de défense et de sécurité.
Dissuasion conventionnelle, cyberdéfense, lutte contre la militarisation de l’espace, lutte contre le terrorisme et mise en place de normes juridiques et éthiques dans les applications militaires de l’Intelligence Artificielle, sont les thèmes et les principes sur lesquels doit s’appuyer la refonte des politiques de défense et de sécurité.
Un volet environnemental destiné à faire face au dérèglement climatique, à la fin de la diversité, à l’accroissement de la population mondiale et à la multiplication des mégapoles urbaines, à la raréfaction des ressources naturelles et à la pollution de la planète.
Bien sûr ce très rapide inventaire n’a pas l’ambition d’être exhaustif mais il repose sur le principe bien connu mais plus nécessaire que jamais, énoncant que la sécurité ne peut reposer seulement sur un volet militaire ou diplomatique mais qu’elle doit reposer sur une vision globale des enjeux de sécurité, qui ne se réduisent pas aux relations interétatiques comme ça l’est encore trop souvent perçu.
Le préalable étant de renoncer aux armements nucléaires. Celles-ci, si la course aux armements nucléaires continuent de s’accélérer comme elle le fait actuellement, ne peut que déboucher un jour sur leur utilisation que ce soit intentionnellement, ou par mauvais calcul ou par accident.
3. Initiatives pour le désarmement
S’agissant des armes nucléaires, force est de constater aujourd’hui que le tabou du « non-emploi » est en passe de voler en éclats. La nouvelle doctrine américaine annoncée par Donald Trump n’est que le point culminant d’une évolution qui abaisse dangereusement le seuil d’utilisation des quelques 14 000 armes nucléaires existantes et entraîne le monde vers le cataclysme. La plupart des puissances nucléaires, malgré un discours lénifiant sur le caractère dissuasif de l’arme nucléaire, ont procédé à des choix technologiques ou stratégiques qui contribuent à accroître ce risque.
La seule façon efficace d’empêcher la guerre nucléaire consiste non pas à accumuler, moderniser et rendre plus utilisable les armes nucléaires mais à les éliminer.
C’est pourquoi, l’organisation à laquelle j’appartiens Initiatives pour le Désarmement Nucléaire présente ou soutient plusieurs mesures qui auraient pour effet à court terme de réduire le danger de guerre nucléaire, à moyen terme d’empêcher la prolifération des armes nucléaires et à long terme de les éliminer dans un processus multilatéral, progressif et contrôlé.
Ces mesures sont au nombre de 12 mais il serait trop long, dans le cadre de mon intervention, de les énumérer toutes. Aussi je vais les résumer en cinq points :
1. Procéder à de nouvelles réductions unilatérales d’armes nucléaires
2. Réduire le rôle attribué aux armes nucléaires dans les politiques de sécurité
3. Diminuer au niveau le plus bas possible le niveau d’alerte des forces nucléaires
4. Engager un processus de médiation entre États-Unis et Russie pour obtenir le retrait des armes nucléaires tactiques américaines déployées en Europe en échange du retrait total des armes nucléaires tactiques russes d’Europe
5. Adhérez au mécanisme prévu par le traité d’interdiction des armes nucléaires
La liste complète des mesures préconisées par notre association est bien entendu plus détaillée.
Conclusion
En conclusion, le désarmement nucléaire doit s’inscrire dans une vision globale de la sécurité. Cette vision doit prendre en compte les nouveaux enjeux de sécurité auxquels notre monde doit faire face.
Dans un contexte géostratégique devenu instable et menaçant, le combat pour la paix que toutes et tous nous livrons est plus que jamais nécessaire et urgent.